1 enfant sur 4 en Afrique vit en zone de conflit : en période de conflits, les enfants restent les plus exposés à la violence
« C'était un jeudi soir, alors que je jouais avec mes amis, un groupe de quatre hommes est venu des montagnes. L'un d'eux m'a enlevé et m’a conduit dans un champ, et là il m'a forcée à avoir des relations sexuelles avec lui. Après avoir fait ce qu'il voulait, il est parti. J'ai été laissée seule dans le champ. Je me sentais très mal. Je ne pouvais plus me supporter. Un monsieur qui passait par là m'a trouvée et m'a ramenée à la maison. »
Naomi*, une petite fille de 8 ans de la région du Nord-Kivu en République démocratique du Congo.
Les guerres et les conflits s'intensifient pour les enfants, a révélé Save the Children dans un nouveau rapport publié aujourd'hui. Alors que moins d'enfants vivent dans les zones touchées par les conflits, ceux qui y vivent courent le plus grand risque d'être victimes de graves violences. Dans toute l'Afrique, 170 millions d'enfants vivent dans des zones de conflit, ce qui équivaut à 1 enfant sur 4, soit le nombre absolu le plus élevé dans le Monde.
Selon les données disponibles, dans les situations de conflit, les filles sont bien plus susceptibles que les garçons d'être violées ou de subir d'autres formes d'abus sexuels - 87 % de tous les cas vérifiés concernent des filles, tandis que 1,5 % de garçons sont victimes. Dans les 11 % de cas restant, le sexe de la victime n'a pas été enregistré.
Des générations successives d'enfants à travers le continent ont grandi en ne connaissant rien d'autre que les conflits, y compris dans les trois pays d'Afrique de l'Ouest et centrale qui figurent sur la liste des dix pays les plus touchés par les conflits les plus graves pour un enfant - la RDC, le Mali et le Nigeria.
La nature de plus en plus prolongée des conflits a modifié les risques auxquels les enfants sont confrontés, et avec des conséquences de plus en plus nombreuses.
Les écoles sont particulièrement visées dans les pays du Sahel. C'est particulièrement grave quand on sait que les enfants vivant dans un contexte de crise humanitaire considèrent l'éducation comme une priorité. Plus de 10 200 écoles sont fermées au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, au Niger, au Nigeria, en République centrafricaine, en RDC et au Tchad, privant ainsi plus de 2.2 millions d'enfants d'une éducation. "Les enfants n'ont rien à voir avec les causes des conflits armés, pourtant nous sommes les plus touchés par ceux-ci : exposés à la faim et aux maladies, déplacés, torturés, tués, abusés sexuellement, privés d'éducation, victimes de trafics, séparés de nos parents, recrutés comme enfants soldats. Quand les souffrances des enfants vont-elles cesser ? Les dirigeants doivent comprendre que si nous ne sommes pas entendus aujourd'hui, nous ne pourrons plus parler demain".
Purity, défenseur des droits des filles, 14 ans, Nigeria
"En temps de crise, nous avons constaté que les enfants sont plus vulnérables au mariage car les familles se tournent vers des mécanismes d'adaptation pour survivre. Ces jeunes filles qui sont forcées de se marier sont instantanément privées de leur enfance, beaucoup d'entre elles doivent abandonner le système éducatif et sont enfermées dans un style de vie où leur pouvoir de décision et leur mobilité sont limités", a déclaré Vishna Shah, Responsable régionale du plaidoyer et des campagnes pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre à Save the Children.
"Les données montrent également que dans les cas de grossesses précoces, 90 % des naissances ont lieu dans le cadre de mariage d'enfant. Dans les situations de conflit, les filles ont souvent peu de possibilités d'éviter des grossesses non désirées, et ont également un accès insuffisant aux services essentiels tels que les soins prénataux et l'accouchement assisté. Il faut faire davantage pour protéger de toute urgence les filles contre les mariages précoces - cela signifie qu'il faut investir davantage dans des programmes et disposer de plus de données pour mieux comprendre la réalité de la situation"
"il est temps que les dirigeants mondiaux jouent pleinement leur rôle de protecteurs des enfants et des générations futures en mettant en place des politiques et des pratiques qui servent d'abord l'intérêt supérieur des enfants", a-t-elle conclu.
Save the Children estime qu'un grand nombre d'enfants sont exposés à des conflits et à de graves violations en raison de trois facteurs essentiels :
- Le mépris des règles, des lois et des normes internationales par les parties aux conflits;
- L'incapacité à demander des comptes aux auteurs de violations;
- L’insuffisance d’actions concrètes pour soutenir les enfants et permettre leur rétablissement.
Il est possible de progresser dans ces trois domaines, et cela se fait déjà. En 2019, 101 États avaient approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, s'engageant à assurer la sécurité des écoles pendant les conflits, ce qui constitue un atout majeur pour protéger les enfants en temps de guerre. Parmi ces États, 14 se trouvent en Afrique occidentale et centrale, notamment la RDC, le Mali, le Nigeria, le Niger et le Burkina Faso.
Dans le même temps, il faut faire encore plus pour aider les enfants à se remettre d'un conflit. En RDC, pour l'instant, seuls 3 dollars par enfant sont disponibles pour financer leur protection lors des crises. Les financements humanitaires qui visent à protéger les enfants doivent passer de 0,5 à 4 %. Ce financement sera destiné à la fois à renforcer ce travail de manière transversale dans les programmes et à soutenir des programmes ciblés sur l'égalité des sexes, l'autonomisation des filles et la lutte contre les violences sexuelles ainsi que sur l’éducation en situation d’urgence.